Médiation christique comme délégation
Thématique iconographique
Le contact entre le ciel et la terre s’établit et se déploie dans le monde grâce à une dynamique de relais qui part du Christ, et dont chaque jalon successif est mandaté par le Christ-Roi pour agir en son nom. C’est sur la base de cette délégation que s’organisent les dimensions individuelle et collective de la médiation christique.
L’Église se construit littéralement à partir de ce principe de délégation. Elle a été fondée par le Christ comme une communauté qui se fait le lieu de rencontre et de transmission de sa parole, mais aussi celui où Dieu agit efficace-ment pour le salut ce cette communauté par les sacrements. Le Christ a confié son autorité et son pouvoir aux apôtres, qui les ont eux-mêmes transférés aux premiers évêques choisis par la communauté, un mouvement qui se perpétue dans ce que l’on appelle la succession apostolique (Délégation apostolique de l’autorité christique). Cette succession de legs fait naître, au cœur de la communauté (l’Église) une structure hiérarchisée et historique où se transmettent la parole et l’action divines en direction de la communauté. Au plus proche des croyants se tient ainsi le prêtre auquel l’évêque délègue son pouvoir sacramentel, et ce, depuis les temps évangéliques (Hiérarchie de l’Église).
Du point de vue que le chrétien porte sur sa relation à Dieu, l’Église est aussi le lieu réel et spirituel de son inte-raction avec Dieu, car elle pose les conditions nécessaires à la réalisation de cette rencontre : tout être humain peut, à travers elle, se conformer au Christ par le biais de la liturgie, et ainsi se rapprocher de Dieu (Établissement de la relation à Dieu).
C’est donc logiquement le prêtre en tant que ministre du Christ qui ouvre la voie au croyant vers le Christ-Sauveur. Le prêtre incarne ponctuellement le Christ vivant dans l’action liturgique, il rend manifeste aux yeux de tous que le sacrifice que le Christ a fait de lui-même pour la rémission des péchés est constamment réitéré et véritablement actif au présent : le Christ rejoue son sacrifice à travers le prêtre lors de chaque célébration (He, 8). Cette position singu-lière du prêtre-ministre, engagé dans un sacerdoce exclusif à l’origine du ministère sacerdotal, le met ainsi en position de rétablir l’Alliance avec Dieu. En d’autres termes, le prêtre « agit en la personne du Christ » (Somme Théologique III, 82, 1) (Sacerdoce ministériel).
La médiation se joue aussi dans l’Église grâce à l’administration des sacrements. Dépositaire de la grâce via la succession apostolique, elle est habilitée à la transmettre par les sacrements, signes visibles de la diffusion de la grâce (Vie sacramentelle).
Si l’Église permet une médiation descendante (de Dieu vers les êtres humains), elle rend aussi possible une médiation ascendante (de la communauté vers le divin). La communauté choisit ceux qui la représentent auprès de Dieu et peut se tenir tout entière devant lui via l’action liturgique. L’union avec Dieu est rendue possible par l’intermédiaire du prêtre qui officie (Union du peuple avec Dieu par le prêtre). Lors de la célébration du culte, le prêtre agit donc non seulement par le Christ, mais aussi in personna Ecclesiae : il parle « à la place de l’Église, dans l’unité de laquelle il demeure » (Somme Théologique, IIIa, 83,7).
Les souverains médiévaux sacrés s’affirmant vicaires du Christ, leur autorité relève, elle aussi, d’un processus de délégation. De fait, tout pouvoir vient de Dieu (voir Pouvoir divin comme source de la royauté terrestre). Revendiquant l’héritage des rois bibliques, en particulier à partir du VIIIe siècle pour les Carolingiens, le souverain médiéval reçoit donc sa charge de Dieu qui lui con-fie la direction de son peuple ; cela n’a pas été, historiquement, sans générer des tensions et parfois des conflits entre le pouvoir revendiqué par les souverains sur la sphère religieuse et l’affirmation grandissante d’une Église romaine pro-gressivement centralisée et renforcée, pour ne citer que la Querelle des Investitures (Délégation de l’autorité au souverain).