Désir pour le Christ

Motif iconographique

Le premier registre figure un épisode rapporté par l’Évangile de Luc (Lc 24, 13-35). Jésus est apparu à des disciples à plusieurs reprises après sa résurrection, notamment sur la route de Jérusalem, à Emmaüs. Lors de cette rencontre, représentée dans le registre supérieur de la plaque, les disciples se lamentent sur la crucifixion, tandis que le Christ explique la nature rédemptrice de ce sacrifice. Les deux paysans ne reconnaîtront le Christ ressuscité que plus tard, une fois qu’ils auront partagé avec lui leur repas, rejouant ainsi la Cène.

Dans le second registre, le Christ apparaît à Marie-Madeleine, selon l’épisode rapporté par l’Évangile de Jean (Jn 20, 11-18). Lors de la rencontre, Marie-Madeleine confond le Christ avec un jardinier, avant de le reconnaître, moment précis que montre la plaque d’ivoire. Les gestes y sont emphatiques et contradictoires. Marie-Madeleine regarde le Christ et avance vers lui. Elle cherchait un cadavre, et elle le voit vivant. Cet élan ancré dans la vision du corps ressuscité de celui qu’elle appelle « maître », se manifeste comme un désir amoureux : elle tend les bras pour l’enlacer. La réponse du Christ est toute autre. Statique, les bras en opposition, le buste et la toge suffisamment retranchés pour éviter tout contact, il se refuse au corps de Marie-Madeleine, de même qu’il lui refuse son regard, comme le montrent ses yeux détournés. La rencontre, dorénavant, ne peut plus se faire sur le mode de la matérialité, car le Christ n’appartient plus au monde terrestre et n’est pas encore monté auprès du Père, ainsi que le dit le texte de Jean. C’est ce que l’image explicite.

À la place de l’amour terrestre que lui offre Marie-Madeleine, le Christ propose un amour spirituel et un horizon d’espérance. De la main droite, il touche le nimbe de Marie-Madeleine en la bénissant ; de la main gauche, index tendu, il lui parle, et lui demande d’aller rapporter à ses frères qu’il va monter vers le Père. Ce nouveau type de désir que commande le Christ se fait prototype de l’amour que les humains doivent avoir pour lui : un amour intense et spirituel, non plus ancré dans les yeux du corps, mais ancré dans les yeux de l’âme, cette âme pure dont témoigne le rayonnement du nimbe de la sainte femme. En prenant la parole de son index tendu, le Christ annonce que cet amour est la condition d’une union future, celle que permettra la résurrection parachevée par l’Ascension, la montée vers le Père : elle passera par la communion eucharistique, et alors seulement, le chrétien pourra s’inscrire dans le corps divin du Christ et renaître avec lui.


Rédaction

Camille Ambrosino / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Camille Ambrosino / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Désir pour le Christ » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 01 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1122