Dessein de Dieu

Motif iconographique

L’initiale constitue un véritable commentaire sur le moment de la Création, qui donne à comprendre le rôle de la Sagesse divine dans le commencement du temps. La Création est figurée comme étant présente dans sa totalité dans un même point du temps, où elle est résumée par les quatre éléments auxquels sont associés des nombres et des formules mathématiques : en haut le feu et le numéro 8 (« bis bina bis », 2x2x2), à gauche l’air et le nombre 12 (« bis bina ter », 2x2x3), à droite l’eau et le nombre 18 (« ter tria bis », 3x3x2), et en bas la terre et le nombre 27 (« ter tria ter », 3x3x3). Ces formules régissent la matrice des proportions qui organisent toute la Création. Le Christ-sagesse, par la lumière qu’il irradie, initie le mouvement dont découle le principe vital qui se déploie autour de l’initiale dans les rinceaux où l’on peut voir diverses créatures, notamment des oiseaux en haut, des poissons près du médaillon de droite ou encore un serpent placé à côté du médaillon de la terre. Ce principe de vie nourrit à son tour le reste du texte, comme le montre la queue du I qui fleurit dans le texte.

L’articulation des éléments de la nature et de formules mathématiques s’inscrit dans une tradition dont l’origine peut être retracée depuis Boèce et son traité De Arithmetica, qui résume les relations entre les nombres et les systèmes de proportions, et surtout le Timée de Platon, longuement glosé au Moyen Âge, qui pose l’existence de corps parfaits régis par la raison, dans un système où les éléments sont associés à des formes et à des qualités dont les différentes combinaisons permettent de donner forme au cosmos dans sa totalité. Ces qualités sont en partie traduites dans l’initiale, puisque les éléments sont répartis en fonction de leur poids. Cette articulation parfaite est ici montrée comme procédant de la sagesse divine, qui rassemble la totalité de la Création, à l’état de potentiel , dans ce moment premier situé juste avant la mise en œuvre des nombres, mesures, volumes et proportions qui la composent. Cette perfection du plan divin semble également déjà contenir, dès avant le déploiement de la Création, la possibilité de la chute, à laquelle on peut voir une allusion dans la présence du serpent placé en bas à côté de la Terre, ainsi que sa fin, dans l’oméga qui jouxte le Christ. Toute l’harmonie et la concordance mathématique du monde sont ainsi figurées, dans leur existence éternelle qui précède l’entrée dans le temps opérée par le déploiement de la Création grâce au Verbe. C’est ainsi le temps immuable de Dieu, caractérisé par la simultanéité de tous les moments de la Création, de ses prémisses à son achèvement, que l’initiale donne à comprendre.


Rédaction

Nicolas Varaine / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Nicolas Varaine / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Dessein de Dieu » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 01 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1040